LE TRICHEUR A L'AS DE CARREAU
Georges de La Tour (1593-1652)
c. 1635-1638
Huile sur toile, 106 x 146 cm
Musée du Louvre, Paris
Étonnantes sont les œuvres du XVe au XVIIe siècle directement porteuses du message de la morale ambiante, celle de l’Église. Il s’agit de bien faire comprendre qu’il y a un réel danger à ne pas se comporter comme il convient pour mériter d’aller au paradis. C'est dans cette perspective que s'inscrit Le Tricheur à l'as de carreau.
"C'est avec beaucoup de raffinement et une splendide composition que Georges de La Tour illustre ici le thème de l'opposition entre l'innocence et le vice. Le jeune homme est ici soumis aux trois tentations majeures selon le XVIIe : le jeu, le vin, la luxure. Quatre personnages sont réunis autour d’une table et jouent aux cartes. Ils semblent tous suspendus dans le temps. A droite, un jeune homme richement habillé passe en revue ses cartes. Il est isolé des autres protagonistes et ne partage pas la complicité de ces derniers, visible dans les jeux de regard. Légèrement excentrée, une femme, à la coiffe sophistiquée et au décolleté plongeant, nous dirige par son regard et par le geste de sa main vers la gauche de la composition. Là, un autre joueur plongé dans l’ombre sort discrètement un as de carreau dissimulé à l’arrière de sa ceinture. Enfin, entre lui et la courtisane, une servante prépare un verre de vin. La situation paraît assez claire. Le jeune homme attiré dans le jeu par la courtisane qui ne manque pas d’atouts, est enivré et va être dépouillé par l’homme de gauche" (Source : Le Louvre).
LE TRICHEUR A L'AS DE TRÈFLE
Georges de La Tour, GM (1593-1652)
c. 1630-1634
Huile sur toile, 97,8 x 156,2 cm
Kimbell Art Museum, Fort Worth, Texas
Le Tricheur à l'as de carreau est en fait une variante du Tricheur à l'as de trèfle, peint quelques années plutôt. Le choix des cartes n’est pas un hasard. Le carreau annonce argent et commerce de la chair, alors que le pique est signe de malheur. Les deux tricheurs de Georges de la Tour représentent vraisemblablement une partie de "prime". Quatre cartes des quatre couleurs différentes formaient une prime. Il en existait diverses variantes, mais le principe général était de parvenir à réunir toutes les couleurs dans une main de quatre cartes. La prime a connu un grand succès en Europe aux XVIe et XVIIe siècles, essentiellement en Italie, en Espagne, au Portugal, ainsi qu'en France et en Angleterre, et même dans les pays de langue allemande.
Si les jeux de cartes sont condamnés par l’Eglise - cela pouvait aller jusqu'à l'excommunication -, il étaient également interdits par le Roi. Cela ne les empêchait nullement de faire fureur. Le "pharaon" était particulièrement en vogue à Versailles à la cour de Louis XV et à celle de Louis XVI. On pouvait y perdre sur parole des sommes considérables. Casanova écrit dans son Histoire de ma vie qu’il ne faut jamais ponter (miser) au pharaon si on veut gagner et il rapporte comment il prit part à une opération de tricherie avec un "correcteur de fortune" milanais, comme on les appelait alors.
AUTRES ŒUVRES TRAITANT DE L'IVRESSE CONDAMNÉE PAR LA MORALE ET EXPOSÉES
An Allegory of Gluttony, H. Bosch
An Allegory of Intemperance, H. Bosch
Temptations of St Anthony, H. Bosch
Allegory of Virtue and Vice, L. Lotto
A Woman Asleep, J. Vermeer