Le Musée Virtuel du Vin est un "Musée imaginaire"
LORD STRAFFORD ALLANT AU SUPPLICE
Hippolyte Paul Delaroche, 1835, coll. part. - Photographie : Robert Jefferson Bingham, 1858
The Royal Collection Trust, Tour de Londres
ANDRE MALRAUX CHEZ LUI, 1953
Malraux assemble, désassemble et réassemble des photos. Il met en page son livre Le Musée imaginaire de la sculpture mondiale
©Maurice Jarnoux
La reproduction photographique des œuvres d’art fit naître, dès le début des années 1850, bien des espoirs chez les historiens de l’art. Séduit par le travail de Gustave Le Gray, Léon de Laborde, conservateur du Louvre, proposa en 1850 au ministre de l’Instruction publique, un projet futuriste, l’inventaire général photographique de toutes les collections publiques. Lors de l’Exposition universelle de Paris en 1855, Benjamin Delessert réussissait à établir la capacité de la photographie de diffuser les chefs d’œuvre de l’art ancien. En 1858, Goupil édite L’Œuvre de Paul Delaroche, illustrée par des photographies de Bingham : cet ensemble le constitue le premier catalogue raisonné d’un peintre accompagné de photographies (Source : Dominique de Font-Réaulx, L'œuvre d'art et sa reproduction, Musée d'Orsay, 2007).
A partir de la fin des années 1850, l’administration des Beaux-Arts acquit différentes publications artistiques illustrées par la photographie, à l’intention des écoles d’art provinciales ou des musées. La photographie jouait déjà un rôle essentiel de diffusion des œuvres d’art, mais limité encore par le coût élevé des différentes publications.
Un siècle plus tard, dans son livre Le Musée imaginaire (1947), Malraux analyse le nouveau rôle de la reproduction photographique qui permet alors l’accès aux œuvres du monde entier : "Aujourd'hui, (on) dispose de la reproduction en couleur de la plupart des œuvres magistrales... (on) découvre nombre de peintures secondaires... Un Musée imaginaire s'est ouvert qui va pousser à l'extrême l'incomplète confrontation imposée par les vrais musées... J'appelle Musée Imaginaire la totalité de ce que les gens peuvent connaître aujourd'hui même en n'étant pas dans un musée, c'est-à-dire ce qu'ils connaissent par la reproduction, ce qu'ils connaissent par les bibliothèques". Ce que prédisait Malraux est aujourd'hui arrivé, mais bien au-delà de ses prévisions visionnaires : les nouvelles technologies numériques ont dissocié la photographie et son support numérique et ont promu la diffusion massive d'images en couleur d'excellente qualité. Internet met à notre disposition la plupart des œuvres du monde entier, le "Musée imaginaire" d'origine est devenu un musée virtuel, visitable par des millions d'individus s'affranchissant du lieu d'exposition, de l'auditorium ou de la bibliothèque, accessible tous les jours et à toute heure : "Museum without walls" comme disent les anglophones du Musée imaginaire de Malraux.
La belle appellation Musée Imaginaire a fait rêver auteurs et éditeurs pour qui elle est devenue un ensemble d'œuvres d'art qu'un individu - un écrivain, un artiste, une personnalité - tient pour essentielles ou pour ses préférées, de sorte qu'en ayant la possibilité il les réunirait dans un même musée idéal. Cette approche, où le musée imaginaire est particulier à chacun, est à l'opposé de celle de Malraux. Avec le Musée Virtuel du Vin, nous visitons un "Musée imaginaire" qui n'est pas le produit éphémère de l’imagination, mais une importante collection d’œuvres d’art, de grands maîtres comme de petits maîtres : avec 1 850 œuvres d'art provenant de 42 pays*, il nous raconte l'histoire du vin et de ses usages, de l'Antiquité à nos jours. La confrontation est largement permise, à l'intérieur d'un même thème, d'un artiste à l'autre, d'une époque à l'autre, ...
Au-delà de ce qu’ils permettent, les musées imaginaires doivent comme les musées bien réels considérer avec Laurence des Cars** qu’ "un des rôles fondamentaux des musées, c'est la remise en contexte des œuvres. On est là pour informer le regard. Nous n'avons pas à juger, à condamner ou à absoudre, nous avons à montrer." C’est la ligne directrice que le Musée Virtuel du Vin s'est fixée.
* Quelques chiffres : les œuvres picturales représentent 66% de l'ensemble, le solde étant représenté par les autres arts visuels et les expositions. La France rassemble 20% des œuvres, tandis que 65% d'entre elles proviennent de musées et institutions à l'étranger, et 15% appartiennent à des collections particulières du monde entier ou sont sans localisation. Les visiteurs localisés hors France représentent 40% du total.
** Laurence des Cars était alors présidente du Musée d'Orsay et du Musée de l'Orangerie à Paris. Elle est acuellement présidente-directrice du Musée du Louvre.
Ces œuvres sont de plus en plus diffusées sur internet, en haute résolution, par les musées qui les abritent, notamment en Allemagne, en Autriche, au Danemark, aux Etats-Unis, aux Pays-Bas, en République tchèque, au Royaume-Uni, et en Suède. Malheureusement, la France se montre encore très réservée, à l'exception notable des musées de la Ville de Paris. Qu'ils soient ici tous remerciés de leur politique de libre accès numérique à leurs oeuvres (open access à des reproductions d'oeuvres d'art libres de droits d'auteur).
Ce site a été créé dans le cadre d'un travail universitaire portant sur le projet d'un musée virtuel du vin consacré principalement à la peinture. L'objectif était de montrer comment les peintres ont traité du vin et de la vigne et selon quelle thématique.
Son fondateur et éditeur, Eric Beau, est membre du réseau des chercheurs et enseignants-chercheurs de la chaire UNESCO "Cultures et Traditions Vitivinicoles" de l'Université de Bourgogne. Après avoir vécu au milieu des vignes de la Côte de Beaune, il réside maintenant à Bordeaux.